Repose en paix Ali !!!


De Muhammad Ali à Obama

Il ne s’agit pas, ici, de succomber à un effet de mode. On n’entre pas par effraction dans un domaine (politique) dont le sport, dans sa noblesse, aime souvent se détacher, rétif à ses manipulations et à ses récupérations. Mais il y quelque chose de puissant, de sublime, qui monte de la victoire de Barack Obama à la présidentielle américaine, et irradie nos terminaisons sportives. Elle tient du passé. Elle renvoie à Muhammad Ali. «Ali le grand, le plus fort, le plus beau».
La dernière fois que Dakar avait veillé sur une nuit américaine avec autant de passion, c’était le 30 octobre 1974. Pour le combat Ali-Foreman. Aux environs de 4 h du matin, les klaxons étaient aussi montés dans les rues des Hlm, de Ouagou Niayes, de Bopp, etc. Dans la chaleur de Kinshasa, Ali avait accompli l’incroyable : récupérer son titre de champion du monde. Il l’avait perdu, pour avoir refusé d’aller au Vietnam («tuer des Vietcongs qui ne (lui) ont rien fait»). De même, il n’était pas aimé parce qu’il avait une «grande gueule» et tutoyait l’Amérique blanche. Il était ami de Malcom X et fréquentait Elijah Mohamed. Son père l’avait prénommé Cassius ; il s’était fait Muhammad Ali en embrassant la foi islamique.
Il était le genre de Nègre que l’Amérique profonde n’aimait pas. Ceux qu’on tuait sur les balcons (Martin Luther King) ou sur les estrades (Malcolm X). Ceux qu’on ne voulait pas voir dans les universités du Sud. Mais Ali avait le menton droit, le regard haut, le verbe succulent et le talent de son art. Tout ce que la mauvaise foi et la médiocrité ne peuvent arrêter.
Muhammad Ali a été Obama avant Obama. Une star, une référence, une conscience de sa classe et de sa race, de son statut et de ses responsabilités. Un homme de défi. Il a été le premier Africain-Américain de la mondialisation du star-system, à une époque où les satellites et la télévision ne réduisaient pas encore les frontières au néant.
Jesse Owens est dans les livres d’histoire. Tiger Woods, Jordan, Magic Johnson, Tyson et les sœurs Williams ont fait la une de la presse. Ali, lui, est dans la légende. Là où Obama est venu le trouver. Il lui a transmis un flambeau dont l’étincelle a jailli, il y a des siècles, chez les révoltés des plantations, a allumé la flamme olympique des Jeux d’Atlanta en 1996 et va bientôt illuminer la Maison-Blanche.
Yes, We can change !  
Yes, We did it !
Le symbole, dans la transition actuelle vers un accomplissement majeur, c’est que l’Africain-Américain de valeur n’est plus seulement celui qui court le plus vite, saute le plus haut, lance le plus loin. Il est aussi le plus puissant en valeur absolue en ce bas monde, derrière son fauteuil du Bureau ovale.
Nous ne serons jamais orphelins de Muhammad Ali ; Obama nous rend heureux pour une éternité de bonheur.

Tidiane KASSE