Chapitre 4 du "Film de ma descente aux enfers..."


Je ne mangeais plus, ni ne dormais assez. Mon coeur était lourd de peine et mes nerfs commençaient à lâcher petit à petit. Je ne savais vraiment pas quoi faire. J'étais prise entre deux feux. Celui de devoir affronter le courroux de mes parents, de ma soeur, de Yannick et de ses parents, en révélant la cruelle vérité. Et celui de devoir laisser ma soeur adorée embarquer dans un navire qui la mènerait inéluctablement vers le naufrage. Le choix à faire serait toujours lourd de conséquences...

Le destin et ses signes décidèrent alors de s'en mêler. En ouvrant l'armoire d'Anna, un livre m'est tombé sur la tête. Ça a fait très mal au crâne, mais c'est comme un choc au coude. Ça fait très mal mais ça passe vite. J'ai alors ramassé le bouquin qui était de Jean-Jacques Rousseau : "Emile, ou De l'Education". Il était ouvert devant mes pieds et quand je me suis penchée pour le ramasser, j'ai été frappée par ce passage où l'auteur faisait l'apologie de ce principe inné en l'homme : "Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe..."

J'avais donc en ma compagnie et au plus profond de moi, un être libre qui me dictait la conduite à tenir. Mon seul problème était que je ne l'écoutais pas souvent. J'étais esclave de ma volonté et maîtresse de ma conscience. Une inversion des rôles qui m'a longtemps tenu à l'écart du bon jugement.

Etait-ce une claque du destin pour m'emmener à tout dévoiler ou simplement un fait anodin, ce livre qui m'est tombé sur la tête et ce passage qui parle de la conscience ? Je pris la première option. L'on m'a appris un jour que "tout ici-bas n'est que signes et que tout est dans la compréhension de leur langage".
Ma décision était donc prise. Je vais tout dévoiler et assumer les conséquences de mon acte. Restait à savoir comment procéder pour atténuer la vive tension qu'allait susciter ma terrible révélation. A l'époque, je ne savais pas que le plus petit des séismes pouvait mener au chaos.
J'ai alors pris la décision d'en parler d'abord à ma mère. Elle dont j'étais la préférée, la fille cadette gâtée, celle à qui elle ne refusait jamais rien. Quand j'ai pénétré dans sa chambre après avoir poliment frappé à la porte, je l'ai trouvée qui discutait au téléphone avec une de mes tantes. Elles parlaient du mariage d'Anna et des détails de la cérémonie. J'eus un moment d'hésitation. Il s'en est fallu de peu pour que je ressorte de la chambre avec l'intention de tout laisser tomber. Mais maman ne me laissa pas s'échapper. Elle se précipita de raccrocher en ces termes : "Héy Petite soeur, je vais devoir raccrocher. Y a mon ange qui vient d'entrer dans ma chambre et elle semble avoir besoin de moi. Je te rappelle plus tard"
- "Oui mon coeur ! De quoi as-tu besoin encore. Ne me dis pas que t'as épuisé ton argent de poche de ce mois ?"
- "Non maman, il y a plus grave. Il faut qu'on parle sérieusement"
- "Là, tu me fais peur bébé. Mais je t'écoute. Qu'est-ce que t'as d'aussi important à me dire ? J'espère que tu n'as pas fait de bêtises à l'école ?"
- "Non maman. C'est encore plus grave."
Et là, le visage de ma mère changea d'expression. Je pouvais lire l'inquiétude dans son regard. Ses yeux pétillaient de peur et moi j'avais les mains qui tremblaient.
- "Ecoute chérie, arrête de me faire peur et dis-moi ce qui se passe, bon Dieu."
- Je suis enceinte de..."
Avant même de terminer  ma phrase, une grosse gifle vint me faire ravaler le reste de ma révélation.
- "Espèce de petite fille gâtée. Tu crois que c'est le moment pour toi de foutre ta vie en l'air...Ton père va te tuer, tu sais ? Bon Dieu tu n'as que 17 ans. Mais qui a pu commettre cette forfaiture avec toi ?

Je venais juste de découvrir que j'étais enceinte de sept semaines, via un test que j'ai fait et qui s'est révélé positif. Cette nouvelle est venue comme la preuve qui manquait si jamais mes dires étaient démentis par le principal concerné.

Ma mère ne tenait plus sur place. Elle s'était levée du lit et faisait le tour de la chambre minute après minute.
- "Il faut en parler à ton père et vite."
Je ne pouvais plus sortir un mot de ma bouche. Ma mère sortit de la chambre pour aller aviser papa de la situation. Deux minutes plus tard, mes deux parents pénétrèrent dans la chambre. J'ai cru un instant que je ne sortirais pas vivante de cette pièce. Mon père avait le visage en feu. Il eut un mal fou à articuler une phrase correcte, tant il était en colère. Mais il arriva quand même à sortir l'inéluctable question.
- "Dis-moi qui t'a fait ça ? Et je ne me répéterais pas deux fois..."
"C'est Yannick papa"
- "Qui est Yannick ?"
Mes parents ne pouvaient imaginer, une seule seconde, que le "futur mari" de ma soeur était l'auteur de ma grossesse.
"Le fiancé d'Anna"
Là, ma mère s'évanouit. Mon père arma une gifle qui n'arrivera jamais sur ma joue. Il était comme paralysé par cette terrible nouvelle que je venais de sortir de ma bouche...

A suivre...

Par Autrui