Ma petite histoire avec mon petit charretier : Homme trop fier ou mari modèle...


Dans la tradition musulmane, un mari a le devoir de nourrir son épouse, de l'habiller convenablement, de lui trouver un toit et de la soigner si celle-ci est malade. Toutes ces charges qui pèsent sur la tête de mon mari auraient pu s'alléger si son orgueil ou sa fierté masculine ne l'avaient pas poussé à rejeter ma proposition de se partager les charges familiales. Je m'appelle Aicha et je gagne bien ma vie en tant que commerçante.

Nous avons grandi, mon mari et moi dans le même quartier. Il jeté ses cahiers après avoir échoué à l'examen du Bfem. Et de toute sa lignée familiale, il était celui qui avait fait le plus long parcours sur les bancs de l'école. Mais voilà, il a fini par devenir un transporteur de produits divers dans les marchés hebdomadaires. C'est d'ailleurs comme ça qu'on s'est connus. Après mes études supérieures, j'ai entamé un commerce de fruits et légumes. Quand je revenais au village pour acheter en quantité ces produits, c'est lui que je chargeais du transport des champs vers le garage, afin que je puisse les acheminer à la capitale pour en organiser la distribution à mes clients.

Mon commerce marchait très bien. Chaque semaine, je convoyais une quantité très importante de fruits et légumes. Et le stock s'épuisait après seulement trois jours de distribution. La demande était nettement plus forte que l'offre et il me fallait plus de bras et une plus grande quantité de produits pour contenter ne serait-ce que 70% de la demande. Un jour sur le chemin qui nous mène aux champs, j'ai dit à mon petit charretier si ça l'intéresser de passer le permis de conduire pour être mon chauffeur. Je voulais acheter un camion pour transporter plus de fruits et légumes à Dakar. Il a accepté mon offre tout en me précisant qu'il allait lui-même payer les frais. J'ai tout de suite su à quel genre d'homme j'avais affaire. Un individu indépendant et qui est prêt à tout garder son indépendance. Depuis ce jour, j'ai commencé à le regarder d'un autre oeil. Il était très différent de la "meute" de profitards qui ne voyaient en moi que la "bonne affaire" à épouser pour se délecter de certaines charges.

Comme promis, le charretier obtint son permis à conduire. Et trois mois après, j'ai fait un prêt à la banque pour l'achat d'une camionnette pour le transport de mes produits. Il était très prudent sur le chemin et se débrouillait bien avec le personnel que j'avais engagé pour la distribution des fruits et légumes chez mes clients disséminés dans les différents quartiers de la capitale sénégalaise. J'ai voulu faire de lui, le chef mais les titres ne l'intéressaient guère. Il m'a désigné un autre garçon très sérieux et m'a dit qu'il pourrait diriger les opérations.
Plus on travaillait ensemble et chaque jour, je voyais des qualités qui m'attiraient chez lui. J'ai fini par lui avouer mes sentiments à son égard. Il m'a demandé si j'étais prête à être une seconde épouse et à envisager une autre coépouse à l'avenir. J'étais amoureuse donc j'ai dit oui. J'avais deux ans de plus que lui. Notre mariage fut scellé au village.
Mon mari venait passer deux jours avec moi à mon domicile sis à Dakar, le temps que la distribution de produits se fasse. Et il retournait auprès de sa première épouse le restant de la semaine.

Mon petit charretier, comme j'ai l'habitude de l'appeler, et il aime bien que je l'appelle comme ça, n'est pas le plus riche des maris. Mais même s'il a une épouse millionnaire qui gagne bien sa vie, il n'a jamais failli à ses devoirs de mari. Je reçois chaque jour ma dépense, qu'il soit à la maison ou non. J'ai de quoi m'acheter des habits, des effets de toilettes et tous ces attirails pour femme. J'ai de quoi me payer des soins médicaux quand je ne vais pas bien. Mais il se charge de tout cela, mon petit charretier. Et dire qu'il en fait de même avec ma coépouse.
Quand je suis tombée enceinte, il m'a interdit de payer la moindre visite médicale chez la gynécologue. Il a tout pris en charge du début jusqu'au terme de ma grossesse. Il a ensuite pris en charge tous les frais du baptême.
Augmenter son salaire était le seul moyen pour moi de lui venir en aide. Mais le connaissant bien, il m'a fallu en faire de même pour tout mon personnel. Sinon, il aurait refusé.
On a entretenu une discussion sur le partage des charges familiales. Il m'a dit que c'était pour lui un plaisir de subvenir à mes besoins et à ceux de ma coépouse. Que c'était pour lui une occasion inespérée d'adorer le Seigneur.
Ma peine aujourd'hui, c'est de voir cet homme se démener comme un diable, chaque jour pour entretenir une femme qui a les moyens de s'entretenir. Ai-je épousé un homme orgueilleux ou dois-je tout simplement rendre grâce à Dieu d'avoir le plus juste des maris...

Par Autrui